Saisine Défenseur : offre bancaire du Crédit Mutuel (Alliance fédérale) réservée aux femmes victimes de violences conjugales, 28 avril 2024

25 avril 2024   //

 

L’offre du Crédit Mutuel (Alliance fédérale)

 

Il s’agit de « l’ouverture d’un compte personnel ouvert pendant un an » « aux femmes victimes de violences conjugales » à partir du 1er juillet 2024. Voir https://presse.creditmutuelalliancefederale.fr/violences-faites-aux-femmes-credit-mutuel-alliance-federale-adapte-son-offre-bancaire-pour-proteger-les-femmes-victimes-de-violences-conjugales/

Le 28 avril 2024, nous avons envoyé au Crédit mutuel (Alliance fédérale) un courrier dont la teneur est analogue à celle du courrier envoyé au Défenseur des droits ci-après.

 

Notre courrier au Défenseur

 

Le Défenseur des droits

le 28 avril 2024

 

objet : discrimination Crédit mutuel (Alliance fédérale)

Madame, Monsieur,

Nous apprenons, à la lecture d’un communiqué du Crédit Mutuel (Alliance fédérale) du 7 mars 2024 ( https://presse.creditmutuelalliancefederale.fr/violences-faites-aux-femmes-credit-mutuel-alliance-federale-adapte-son-offre-bancaire-pour-proteger-les-femmes-victimes-de-violences-conjugales/) que cette banque s’engage à proposer « l’ouverture d’un compte personnel offert pendant un an » « aux femmes victimes de violences conjugales » à partir du 1er juillet 2024.

Nous comprenons parfaitement cette mesure qui vise à aider ces femmes à retrouver leur indépendance financière, et en saluons la générosité. Cependant, nous ne pouvons que nous étonner qu’elle ne bénéficie qu’aux femmes victimes, et que les hommes victimes des mêmes violences en soient exclus, ce qui constitue selon nous une discrimination fondée sur le sexe.

En effet, les hommes victimes de violence conjugale se trouvent dans la même situation d’incertitude quant à l’avenir, et ont besoin des mêmes soutiens moraux, financiers, économiques. Aucun argument ne justifie qu’ils en soient, en l’occurrence, privés.

Nous nous permettons de vous rappeler que le dernier rapport de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales 2018, évalue, pour la période 2011-2018, le nombre annuel de victimes à 295 000, dont 28% d’hommes. L’enquête du Service statistique ministériel de la sécurité intérieure évalue le nombre de victimes en 2022 à 244 000, dont 13% d’hommes. Quelles que soient les différences entre les résultats des différentes enquêtes, il apparaît que des dizaines de milliers d’hommes sont eux aussi victimes.

Nous vous suggérons donc, conformément à votre mission, d’intervenir auprès du Crédit mutuel (Alliance fédérale) afin qu’il modifie les modalités de son offre bancaire, en l’expurgeant de toute discrimination fondée sur le sexe.

 

La réponse du Défenseur

 

22 mai 2024

Numéro de dossier : 24-011012

 

Monsieur,

Vous avez appelé l’attention du Défenseur des droits et vous sollicitez son intervention concernant l’ouverture gracieuse (pour une année) à compter de juillet 2024, d’un compte bancaire à destination des femmes victimes de violences conjugales, proposé par le Crédit Mutuel.

Vous estimez que cette situation constitue une discrimination à raison du sexe puisque les hommes victimes de violences conjugales sont exclus de ce dispositif.

L’article 225-3 4° du code pénal mentionne des exceptions en matière de discriminations dans l’accès aux biens et services sur le sexe « lorsque cette discrimination est justifiée par la protection des victimes de violences à caractère sexuel, des considérations liées au respect de la vie privée, la promotion de l’égalité des sexes… »

En conséquence, sans contester la réalité des faits que vous décrivez,  la situation dont vous faites état ne paraît pas constituer une discrimination prohibée au sens de la loi.

Le Défenseur des droits ne peut donc pas intervenir.

Je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de ma considération distinguée.

Le directeur « Protection des Droits – Relations avec les usagers ». Fabien Dechavanne

 

Notre commentaire

 

Le Défenseur des droits répond négativement à notre demande d’intervention concernant l’ouverture gracieuse pour une année d’un compte bancaire à destination des femmes victimes de violences conjugales, par le Crédit mutuel Alliance fédérale.

Pourtant cette procédure correspond exactement à la définition que donne le Défenseur de la discrimination, à savoir un traitement défavorable, fondé sur un critère défini par la loi (sexe, âge, handicap…) et relevant d’une situation visée par la loi (accès à un emploi, un service, un logement…). En l’occurrence, le sexe des discriminés est le masculin (hommes victimes de violence conjugale), et le traitement défavorable qu’ils subissent est la non-obtention d’un compte bancaire gratuit.

Pour se justifier, le Défenseur fait référence à l’article 225-3 4° du code pénal, lequel évoque des situations particulières (par exemple embauche privilégiée de femmes dans un secteur traditionnellement masculin), dont il est incapable d’établir un rapport avec celle que nous évoquons. Dans cette situation, les deux sexes sont victimes. Nous sommes donc amenés à constater, une fois encore, que le Défenseur des droits a pris une décision idéologique, ne prenant en compte, face à une discrimination évidente, que les discriminées de sexe féminin, et ne prenant pas en compte les discriminés de sexe masculin.

Quant au Crédit Mutuel, il n’a pas, à ce jour, daigné nous répondre.