Correspondance avec Lorraine Rossignol, journaliste à Télérama, sur les violences conjugales, février 2018

5 avril 2018   //

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CORRESPONDANCE AVEC LORRAINE ROSSIGNOL, JOURNALISTE A TELERAMA, SUR LES VIOLENCES CONJUGALES, FEVRIER 2018

 

Article de Lorraine Rossignol dans Télérama du 7 février 2018 : Monument aux mortes. Cet article nous apprend, entre autres, que la ville de Milan a mis en place un mur dédié aux femmes victimes de meurtre conjugal… et à elles seules.

 

 

Courrier de Henri L’Helgouach, observateur attentif des médias, lecteur régulier de Télérama, le 12 février 2018

Dans Télérama du 7 février (p. 11), sous le titre « Monument aux mortes », vous nous parlez d’un

« mur du centre de Milan… [où] se trouvent des photos et des listes de noms de victimes de féminicides… à l’instar du meurtre d’Alexia Daval, la joggeuse de Haute-Saône assassinée par son mari. Marlène Schiappa, la secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, a demandé la reconnaissance juridique de ce terme dont la réalité ne peut plus être mise en doute : en France, une femme meurt tous les trois jours, victime de violence conjugale ».

Or, il se trouve que votre fait divers de référence a été largement commenté par votre collègue Samuel Gontier (p 75). Il suffit de le lire pour comprendre qu’il n’est pas possible d’affirmer, comme vous le faites, qu’il s’agit d’un assassinat, c’est-à-dire d’un meurtre avec préméditation ou guet-apens. De plus, mais la Justice nous le dira, il semblerait que l’accusé ait été fréquemment humilié et violenté par son épouse. Ce pourrait être une affaire Jacqueline Sauvage, mais à l’envers. Vous savez, celle qui a vraiment assassiné son époux de trois balles dans le dos et qui, après avoir été condamnée par deux procès successifs, a obtenu la grâce présidentielle.

« Une femme meurt sous les coups de son compagnon tous les trois jours », nous dit encore Samuel Gontier. Ces chiffres sont également repris par Jacques Morice (p 42) à propos du film Jusqu’à la garde. Ainsi, dans un même numéro de Télérama, on trouve au moins (car je n’ai pas tout lu) trois journalistes pour nous annoncer cette terrible réalité. En vérité, un simple calcul montre qu’il s’agit d’une centaine de décès chaque année. C’est encore trop mais ce n’est pas le génocide annoncé. D’autant que ce nombre est sensiblement le même que celui des bébés tués à la naissance par leur mère. Ni Infanticide, car ces mamans ne s’en prennent pas aux enfants en général mais à leur progéniture. Ni féminicide, car le mari d’Alexia en voulait à sa dulcinée mais pas aux autres femmes. Il est évident que le meurtre conjugal reste une cause de mortalité relativement modeste. Précisons également que tous les types de violences physiques ne concernent que 2 % des ménages, selon l’Observatoire National de la Délinquance et des Réponses Pénales (ONDRP).

Mais avez-vous vraiment consulté les rapports de l’ONDRP sur ces violences ? J’en doute car vous avez oublié de signaler qu’une trentaine d’hommes meurt chaque année sous les coups de leur conjointe (soit un homme tous les douze jours). 130 cas sur 16 millions de couples français, c’est 0,00078 % de décès, que l’auteur soit un homme ou une femme. Tuer son conjoint n’est absolument pas représentatif de la vie en couple. Et toutes ces statistiques restent relativement stables puisque, pour la plupart, ces meurtriers et meurtrières ont pété les plombs (séparation, dispute, jalousie, alcool, stupéfiants). Notons qu’en ce qui concerne les ex-conjoints, les conflits résultent bien souvent de la garde des enfants. Il s’agit donc essentiellement de crimes passionnels et non d’un tabassage continuel. Ce qui montre bien que la législation répressive ne peut avoir aucun effet. Ajoutons que, très majoritairement, ce sont les hommes qui retournent la violence contre eux, en se suicidant après avoir commis l’irréparable (voir aussi le rapport 2016 du Ministère de l’Intérieur, ci-dessous).

http://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/wp-content/uploads/2017/09/Etude-nationale-sur-les-morts-violentes-au-sein-du-couple-annee-2016.pdf

Télérama a donc fait le tri entre les victimes de la violence conjugale. Excusez-moi, mais c’est de l’information tronquée et donc truquée. On fait l’impasse sur la violence des femmes en présentant la violence dans le couple, uniquement, comme une violence faite aux femmes. En taisant les masculinicides, on trompe donc le lecteur. C’est ce qu’on appelle un mensonge par omission, que j’espère involontaire et que l’on aura certainement à cœur de rectifier. Car il ne faudrait pas être en totale contradiction avec l’excellente interview du juriste Denys de Béchillon intitulée « L’intox, sans foi ni loi » (p 31). « L’information véhiculée par les réseaux sociaux est mondialisée et privée des garanties propres au journalisme professionnel », dit-il en accordant à la presse et aux médias traditionnels un certificat de bonne conduite.

Malheureusement, la communication partielle et partiale sur les chiffres de la violence conjugale n’est pas l’apanage de Télérama. Une femme… tous les trois jours est une formulation qui inquiète. Elle sera donc répétée à l’envi par nombre de télévisions, radios, journaux et magazines qui, bien sûr, ignorent les victimes masculines. Pire encore, c’est la ministre, dite de l’Égalité, et le chef de l’état qui font la promotion de cette mystification. Pourtant, je ne pense pas que les pros de l’info et de la politique soient incapables de lire les études officielles. Je ne vois alors que deux explications à cette discrimination : la misandrie et le stéréotype de la femme éternelle victime dont le lobby féministe ne cesse de nous abreuver.

 

Réponse de Lorraine Rossignol, le 13 février 2018

(à noter : après plusieurs courriers envoyés à Télérama, c’est la première fois qu’Henri L’Helgouach obtient une réponse)

De: « ROSSIGNOL, Lorraine » <rossignol.l@telerama.fr>

Objet: Rép : Lettre à Lorraine Rossignol

Date: 13 février 2018 11:09:13 UTC+1

À: courrier <courrier@telerama.fr>

Bonjour

merci de votre courrier fort documenté. je n’ignorais pas le chiffre concernant les meurtres d’hommes par des femmes, mais il est tt de même nettement moins considérable, et par ailleurs les mobiles des meurtres ne sont pas les mêmes (je n’ai pas fait d’étude sociologique, il faudrait bien sûr affiner) : pas de pulsion (donc de soudain besoin de détruire ce qui semble « détruisable » et que l’on se croit autorisé, et c’est bien là le sens du terme « féminicide », à détruire ), mais du calcul et de la préméditation. Par ailleurs les féminicides ne sont qu’un aspect des violences innombrables faites aux femmes -le viol étant à ce jour à 99 % un acte masculin-, face auxquelles les violences faites aux hommes ne peuvent rivaliser. Cessons donc de prendre des gants et regardons les choses bien en face.

Bien à vous

LOrraine Rossignol

 

Notre commentaire

Lorraine Rossignol est le type même de la journaliste qui relaie l’idéologie dominante, sans jamais se livrer au moindre examen critique, et même si on lui oppose des arguments de simple bon sens. Elle le reconnaît d’ailleurs, avec une naïveté désarmante : « je n’ai pas fait d’étude sociologique, il faudrait bien sûr affiner ». Passons en revue ses pseudo-arguments :

– argument « quantitatif », très classique : « le chiffre concernant les meurtres d’hommes par des femmes (…) est (…) nettement moins considérable ». C’est juste… et alors ? Jusqu’à nouvel ordre, la philosophie d’un état républicain est de considérer comme répréhensibles tous les meurtres, indépendamment du sexe de leur auteur(e) ou de leur victime. D’ailleurs l’état défend aussi les victimes féminines d’autres violences, même si celles-ci font majoritairement des victimes masculines : non-représentation des enfants,  fausses accusations d’abus sexuels, etc.

– « les mobiles des meurtres ne sont pas les mêmes » : argument plus rare, mais tout aussi extravagant. Les modalités et les mobiles sont exactement les mêmes pour les deux sexes. Parmi ceux-ci, il peut y avoir la « pulsion », le « besoin de détruire », mais aussi « calcul et (..) préméditation ».

– «c’est bien le sens du terme « féminicide », à détruire » :  non, « féminicide » signifie « meurtre d’une femme parce qu’elle est une femme », motivation très difficile à démontrer . L’objection est déjà présente dans le courrier d’Henri L’Helgouach, mais elle continue à appliquer le terme à tous les homicides de femmes : l’idéologie d’abord.

 Malheureusement tout cela est publié à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires, dans un périodique (justement) réputé pour sa qualité en matière de critique télévisuelle…